Les avis d'une libraire-lectrice

J'ai la prétention de dire que je lis, en moyenne, 4 romans par semaine. A travers ce blog, vous pourrez vérifier si je n'exagère pas car je vais y mettre tout ce que je lis : romans, albums jeunesse, BD,... Dévoré, apprécié ou vite abandonné, chaque livre fera l'objet d'un petit commentaire.

jeudi 29 novembre 2012

La tristesse du samouraï,

Vous allez le moral au plus haut ? Vous pétez la forme ? Alors, vous pouvez vous plonger dans ce roman noir, noir, noir.
Dans le contexte de l'après-guerre d'Espagne, des familles se vengent les unes contre les autres pour des crimes crapuleux commis. Violences, tortures, meurtres, souffrances, l'homme dans ce qu'il a de plus mauvais.
Même si j'ai parfois trouvé que le roman tirait en longueur et que les faits me semblaient exagérés, j'ai trouvé ce roman très réussi et dramatiquement vrai.

Va-t'en guerre, Dedieu, Seuil jeunesse

Dedieu ! Encore lui ? Ben, oui !!! J'aime encore et toujours son travail. Il change de genre, de technique et il est toujours aussi bon !!!
Un roi ne rêve que de guerre. Mais, il n'a pas d'ennemi. Alors, il cherche contre qui et comment se battre... Drôle, intelligent, esthétique. Excellent.

L'écrivain de la famille, G.Delacourt, Lattès et LGF

Si vous avez lu et aimé La liste de mes envies, vous aurez sans doute envie de découvrir le premier roman de l'auteur. C'est la vie avec ses hauts et ses bas, ses réussites et ses échecs, ses amours et ses trahisons, les problèmes de couple, les parents qui se séparent et qui vieillissent ; bref, la vie avec tous ses aléas et en plus, le destin qui est rarement celui que les autres ont décidé pour vous. C'est triste, c'est tendre, c'est émouvant, c'est intimiste et je pense, un peu autobiographique ! Et puis Delacourt est juste un peu plus jeune que moi, alors nostalgie de partager avec lui les mêmes repères de cette 2èmemoitié du XX° siècle.

Une fibre meurtière, K.Fitzpatrick, Actes Sud

Intrigue et aventures historiques au milieu du XXème siècle : Dublin, Londres, Sydney,  qui ont pour thèmes les manufactures et les commerces textiles ainsi que les échanges maritimes britanniques avec l'Asie. 
L'ensemble du récit est tout imprégné de féminité et de féminisme à travers les personnages de Khia Mahonney et d'Antonia Blake, la Quaker, et l'on nage dans le lin, la laine, la soie, la flanelle, le cachemire, la batiste, le linon, le jute, la crinoline, le tissage, la couture et la broderie (ouf !) mais le récit est très bien construit et le côté historique prend le dessus sans quoi ?

La liseuse, P.Fournel, POL

Robert Dubois est éditeur, sans doute celui qui prend le plus de risques dans le monde du livre. La veille d'un week-end, Valentine, une stagiaire, dépose sur son bureau une « liseuse » : cette espèce de tablette électronique qui, tel un ogre, ingurgite un nombre impressionnant de livres ou de manuscrits pour les régurgiter au gré de son propriétaire. Robert va l'emporter pour son w-e et tenter de l'apprivoiser et puis il l'emportera au square, au bistrot-bar, en excursion avec Adèle ; quand il n'oublie pas de la recharger ! On aurait pu s'attendre de la part d'un éditeur de livres papier à un discours dithyrambique contre ce « gadget » satanique. Eh bien non ! A travers Robert Dubois, le narrateur, un homme ouvert, pondéré, humain et réaliste, c'est en quelque sorte une description légèrement caricaturale du petit monde de l'édition, loin du stress que l'on pourrait imaginer. 
L'écriture est fluide, légère, aérée, imagée et agréable pour tous ceux qui aiment les livres.

samedi 24 novembre 2012

Un monde complètement surréel, N.Chomsky, Lux

82 pages surréelles ou plutôt tellement réelles qui reprennent 4 articles de Noam Chomsky. Des articles qui datent de plusieurs décennies pour certains et qui sont pourtant très (trop) actuels : les Etats-Unis au centre de tout, avec la guerre partout, tout le temps, salement justifiée et l'écart toujours plus grand entre les riches et les pauvres.
Effarée, effondrée, à la limite de la nausée. Un petit livre qui fait mal mais qui ouvre les yeux !
Un bémol : cette édition a été revue et corrigée. Corrigée par qui et comment ? Il reste trop de fautes.

jeudi 22 novembre 2012

Les Immortelles, M.Orcel, Zulma

Une couverture magnifique pour un roman pas facile : une prostituée de la Grand-Rue de Port-au-Prince demande à un client écrivain de raconter leur vie et la violence du séisme de 2010, en mémoire de toutes celles, et surtout de la Petite, mortes durant cette catastrophe. 
Le style haché, bref, incisif et cru et la dureté des sujets en font un roman très haïtien. 

mercredi 21 novembre 2012

Le meilleur des jours, Y.Montazami, S.Wespieser

L'auteure, Iranienne installée en France depuis des décennies, nous raconte son père prénommé Behrouz (Le meilleur des jours). Un grand prématuré sauvé par l'amour de sa propre mère et qui aura une vie assez particulière. Etre plein d'humour et d'intelligence, il a tant marqué sa fille de sa personnalité qu'elle en a rédigé un livre. Entre récit et roman, à la fois instructif sur l'Iran et personnel et touchant.

L'amour commence en hiver, S.Van Booy, Autrement

Roman si court qu'il est délicat de le raconter, au risque de tout révéler. Un homme. Une femme. Chacun une histoire propre et douloureuse. Une rencontre...A découvrir.
Commentaire de la libraire : personnellement, j'ai adoré ce roman, l'économie de mots ne faisant que rajouter à la beauté du propos. Ma maman l'a lu et pour elle : livre, sans plus. A vous de juger...

Certaines n'avaient jamais vu la mer, J.Otsuka, Phébus

Des Japonaises parties pour un monde meilleur aux Etats-Unis, mariées par courrier à des Japonais déjà là-bas. Le départ, la traversée de l'océan, l'arrivée, l'installation,... Parfois des histoires heureuses, mais le plus souvent malheureuses, douloureuses, difficiles, tristes. Tout le temps, la désillusion. Ensuite, les enfants. Ou pas. Et leur intégration. Ou pas. Et enfin, les camps d'internement après l'attaque de Pearl Harbor. Un fait de l'histoire dont je n'avais pas connaissance.
Un roman court où tout est dit, à la première personne du pluriel : chaque histoire individuelle est l'histoire de toutes. Beau, intelligent et fort.

La Vérité sur l'Affaire Harry Québert, J.Dicker, de Fallois


Nous sommes en 2008. Harry Quebert est un écrivain âgé qui vit en solitaire dans une grande maison isolée d'Aurora, petite ville du New-Hampshire. Son roman « Les origines du mal » a connu un énorme succès trente ans plus tôt mais on retrouve dans sa propriété les restes de Nola, jeune fille de 15 ans disparue 33 ans plus tôt. Tout accuse Harry soupçonné d'avoir eu une liaison avec l'ado. Marcus, ami et ancien élève d'Harry, vient de publier un roman à succès mais, à la veille de ses 30 ans, il est en panne d'écriture. Il est persuadé de l'innocence d'Harry et va tenter de le disculper à travers un roman qui devrait devenir un chef-d'oeuvre.
Ce ne sont certainement pas les qualités littéraires françaises qui ont tout du style américain qui lui ont fait obtenir les prix, mais sûrement les techniques narratives utilisées : roman à tiroirs, mises en abîme, art du faux semblant, rebondissements incessants, romans dans le roman, personnages captivants qui font que le thriller de Dicker est remarquable, original, passionnant et impossible à lâcher.
Commentaire de la libraire : dès l'été, ce roman fut le coup de coeur de mon mari (vous pouvez retrouver son commentaire plus bas). Le succès médiatique et public qu'il connaît maintenant vient confirmer le choix de Fabien.

mercredi 14 novembre 2012

Il était une fois le dernier homme, D.-R.Dufour, Denoël

Suis-je autorisée à mettre un tel essai dans mes coups de coeur ? Rien de divertissant, ni de réjouissant et pourtant, pour moi, ce fut une lecture difficile mais ô combien jubilatoire. 
J'avais déjà lu D.-R.Dufour dans L'individu qui vient...après le libéralisme. Dans ce nouveau texte, sous forme de lettre d'amour à sa féline, il explique que l'individu ne viendra peut-être jamais... Un transhumain le remplacera ? Ou rien ? A lire si l'on s'interroge sur la marche du monde et l(e)'(non)avenir de l'homme. 

Les pays, M.H.Lafon, Buchet-Chastel


Claire qui a passé son enfance dans la profonde et rurale Auvergne, le Cantal, monte à Paris pour ses études classiques à la Sorbonne. Elle partage avec nous ses pays : la ferme paternelle et la vie de la capitale. Histoire simple d'une jeune fille et femme simple, réservée, zélée dans ses études, modeste et attachante, jamais critique. 
Tout est donc simple sauf le lexique et le style de l'auteure : mots rares, perdus, oubliés et puis tout à coup retrouvés ; style peaufiné, ciselé au charme obsolescent, aux tournures de phrases travaillées farcies de conditionnels et de subjonctifs surprenants et tout cela sans faconde ni pédanterie, avec naturel. Quel plaisir de lire et de relire certains passages de ce petit chef-d'oeuvre littéraire mais petit seulement par le nombre de pages. Lire écrire, c'est comme respirer, inspirer, expirer de tout son corps. Je reste encore imprégné de ce petit bonheur de lecteur : un vrai coup de coeur !
(A lire ou à relire « Un coeur simple » de Flaubert ! en dégustant un bon Saint-Nectaire fermier, un cake aux raisins marinés ou un camembert de Gefosse, accompagnés d'un vieux marc fermier d'Auvergne)

La fabrique des illusions, J.Dee, Plon

C'est en quelque sorte une vision des Etats-Unis du XXème siècle que Dee nous propose ou plutôt les illusions de la réussite ; celle des études universitaires, celle de la famille, celle du couple ou encore celle de la réussite professionnelle à travers les personnages de Molly qui semble détachée de tout et de tous ; de John, étudiant en histoire de l'art puis publiciste dans une agence new yorkaise ; de Mal Osbourne, visionnaire et révolutionnaire pour qui la publicité doit devenir un art et l'art devenir pub. Les trois destins vont se rencontrer nécessairement et se séparer de même. Les illusions n'aboutissent-elles pas souvent à des désillusions ? Mégalomanie, passion, ambition, jalousie, dérives et dépit amoureux sont les mots-clés de ce récit intéressant, mais mon plaisir de lecture est resté mitigé parce qu'il manquait ce « vibrato » qui vous fait vous attacher aux personnages. 

mardi 6 novembre 2012

Chaux vive, X.Patier, La Table Ronde


Pascal, fils d'une famille rurale du Périgord, est étudiant en archéologie à Bordeaux. Il est pauvre, solitaire, dévot et vit dans une chambre délabrée et sans confort. Aubin est un étudiant attardé de 32 ans ayant femme et enfants. Il vit au-dessus de ses moyens, rêveur, mégalomane. Les deux étudiants se rencontrent et pour Pascal, c'est une espèce de « dépucelage ». Aubin le manipulateur conduira Pascal tout droit vers l'abîme. Récit intéressant et plaisant mais rien de vraiment palpitant.

Le bonheur conjugal, T.Ben Jelloun, Gallimard


« Ainsi notre mariage avait mal commencé, a mal continué et s'est mal terminé. » 
Les paroles d'Amina résument bien la descente aux enfers de ce couple marocain que par dérision et ironie, Ben Jelloum a titré Bonheur conjugal. Lui, est un peintre renommé, fils d'une famille de Fassis orgueilleux, égoïste, arrogant, infidèle, méprisant, condescendant, mesquin et qui se retrouve à demi paralysé suite à une ACV. Elle, elle est fille d'une famille modeste d'un petit village du sud marocain. C'est une jeune femme devenue une harpie pleine de venin et de ressentiment, incomprise, jalouse, possessive, rabaissée, humiliée, trompée. Chacun sait s'y prendre pour détester l'autre. Le destin d'un couple et deux versions des faits. Je me suis pris à m'attendrir sur celle d'Amina, l'épouse arabe assujettie au bon vouloir du mari. L'amour ne serait-il qu'une invention romanesque ?

Rue des voleurs, M.Enard, Actes Sud

C'est l'histoire de Lakhdar, jeune marocain de 20 ans et à travers lui, « le Printemps arabe » et les problèmes économiques actuels de l'Espagne. 
Le récit tient plus du reportage que du roman et le monde décrit est celui que les actualités nous dévoilent un peu chaque jour. Je ne suis pas vraiment entré dans le roman et l'ai donc lu avec une certaine distance. Il est loin le plaisir de Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants.
Commentaire de la libraire : contrairement à Léo, mon mari a lu et adoré. Selon lui, c'est un grand roman contemporain.

Les apparences, G.Flynn, Sonatine

Les apparences sont toujours trompeuses ! Amy et Nick forment un couple apparemment parfait avec néanmoins quelques revers de fortune. Nick perd son job, Amy aussi et puis ils vont devoir s'occuper des parents de Nick vieillissant et malades dans le Missouri, eux qui sont habitués à la vie new-yorkaise. A la veille de fêter leur 5ème année de mariage, Amy disparaît dans des circonstances troublantes et dans ce cas-là, c'est toujours le mari qui est le premier suspect et tout devient progressivement transparent ! Il faut vraiment être une femme pour écrire un tel scénario où la manipulation, la perversion et le machiavélisme créent un suspens insoutenable qui révèle un minable pathétique d'un côté et une garce cinglée sociopathe de l'autre. « plus gros est le mensonge, plus tout le monde le gobe ». Une intrigue extrêmement dense mais avec une chute trop banale : jusqu'au bout j'ai cru à un dernier rebondissement retentissant. L'auteure se serait-elle essoufflée ? Un très bon moment de lecture et un conseil : « méfiez-vous des femmes ! »

Mapuche, C.Ferey, Gallimard

Les Mapuches ou « Peuples de la terre » sont les aborigènes qui vivaient dans les steppes herbeuses du centre du Chili et de l'Argentine et qui en ont été chassés par les gros propriétaires terriens. Jana est une Mapuche, sculptrice qui vit à Buenos-Aires. Luz, un travesti, est retrouvé mort noyé ; il tapinait sur les docks avec Paula, autre travesti disparu et seul ami de Jana. Ruben est avocat et enquête sur les enfants disparus adoptés par de riches argentins en mal d'enfants trente ans plus tôt. Les destins de Jana et de Ruben vont se retrouver mêlés et les conduiront sur la piste des tortionnaires de la dictature de Videla. Roman noir mat, brut et brutal au style acéré qui retrace un épisode sombre des dictateurs argentins, de leur répression implacable  et de leurs séides. L'auteur ne nous épargne rien des tortures et des violences. Dur, très dur, mais passionnant.

Les âges sombres, K.Maitland, Sonatine

Année 1321, des Béguines de Bruges se sont installées dans la campagne de Norwich non loin d'Ulewic, petit village où les habitants ont les doigts palmés. Agatha, la fille du Seigneur, est rejetée par son père et se réfugie chez les soeurs Martha. Entre les soeurs et le village, rien ne va plus. Sous l'influence des Maîtres-Huants qui se réclament des dieux païens, les villageois vont s'acharner sur les soeurs et les rendre responsables de tous leurs maux et malheurs. On navigue alors entre religion intolérante, vérolée et cupide ; le paganisme et la superstition. 
Je n'ai pu m'empêcher de comparer le roman de Maitland aux Piliers de la terre de Follet avec une griffe plus féminine. De rebondissements en rebondissements, on échoue sur une fin quelque peu abrupte. Un bon roman noir mais qui m'a parfois semblé long. 

La Voie, E.Morin, Pluriel

Beaucoup de questions, besoin de m'arrêter et de réfléchir. Une affirmation plusieurs fois entendue : les politiciens ne sont pas instruits. D'où la nécessité de (prendre le temps de) lire cet ouvrage. Après un état du monde peu enthousiasmant, E.Morin nous montre la Voie pour un monde nouveau, meilleur, humanisé. Rien de nouveau pour moi mais l'importance de le (re)dire, de le répéter pour mieux me diriger et, si possible, en entraîner d'autres (dont les élus ?) avec moi...